Hervé de Carmoy, Alexandre Adler, Où va l'Amérique d'Obama ?, PUF, Paris, 2011.
Essai.
Cet ouvrage a été lu dans le cadre de l'opération Masse Critique, organisé par Babelio. Je remercie les PUF pour l'envoi de ce très bon essai.
Où va l'Amérique d'Obama ? : question sensible dans un monde fragile en perpétuelles mutations. Hervé de Carmoy et Alexandre Adler (pour l'introduction) tentent d'apporter un éclairage sur cette puissance, qui telle que l'URSS à l'époque de la Perestroïka de Gorbatchev, doit nécessairement s'engager dans une mutation profonde si elle veut continuer à jouer un rôle de premier plan face à la montée en puissance de l'Inde, de la Chine ou du Brésil. Il ne s'agit pas d'un état des lieux mais plutôt d'un diagnostique.
Hervé de Carmoy commence son étude selon une approche démographique. Du melting pot au melting top (intégrer les populations immigrées par le haut), les États-Unis doivent répondre à différentes problématiques : promouvoir le rêve américain tout en assurant une intégration optimale et nécessaire de ces populations aux parcours et aux origines différents, venues chez l'Oncle Sam.
La plus grande partie de cet essai est consacrée au secteur financier. Même si le PIB, le dollar et l'économie américaine dominent le monde, la dette écrasante et la crise des subprimes participent à l'affaiblissement moral du pays. L'auteur met en avant la hausse des inégalités et la société américaine à deux vitesses qui se dessine. Hervé de Carmoy prend l'exemple très spectaculaire de la faillite d'États :
"Quatorze États et de nombreuses municipalités sont au bord de la faillite. La ville de Detroit envisage de fermer la moitié de ses écoles et d'augmenter à 60 les effectifs de ses classes. Le New Jersey, qui a le taux de criminalité le plus élevé des États-Unis, a réduit de 50% l'effectif de ses forces de police. Enfin, États et municipalités ont émis des milliers de milliards de dollars d'obligations dont une fraction peut devenir des actifs toxiques, avec des conséquences importantes sur les retraites des classes moyennes et sur celles des employés et des ouvriers."
L'auteur va jusqu'à comparer les banquiers, dont l'éthique s'effondre, à des conquérants du Far West sur un "territoire riche en opportunités", avec "des cow-boys et peu de shérifs". En trente pages, Hervé de Carmoy revient sur soixante ans de système financier américain : du modèle anglais à la dérèglementation totale.
L'essayiste s'intéresse ensuite à la capacité d'innovation et dresse un portrait sans concesssion du système éducatif américain. L'enseignement secondaire est particulièrement montré du doigt. C'est le véritable parent pauvre d'un système qui préfère faire venir des cerveaux (notamment d'Asie) plutôt que de former sa propre matière grise. La concurrence asiatique se ressent également au niveau des universités, qui sont mieux connectées à des clusters (agrégats scientifiques) et des multinationales "porteuses d'avenir".
Puissance militaire omniprésente sur tous les continents, les États-Unis le sont incontestablement. L'armée est "le point névralgique de l'État, de la promotion sociale et de l'intégration des minorités". Fondement de la société, l'armée doit aujourd'hui répondre à de nouvelles exigences tout en s'exposant aux critiques d'une partie de la population, notamment après la guerre en Irak et en Afghanistan.
Nourri de nombreux exemples (aussi bien historiques, sociétales, économiques, ...), simple sans être simpliste, cet essai est, pour moi, une réussite. Il répond aux principales questions qui apparaissent aujourd'hui en n'oubliant pas (et c'est pour moi un atout considérable) que les États Unis sont aujourd'hui (tout comme la France et l'Europe d'ailleurs) au coeur d'un système-monde.
À lire sérieusement.